Madagascar 1699

La naissance du royaume des nombreux inséparables

Un projet de Jérôme Chénieux et H de Guer
d’après une idée de Stefan Troubat –

PITCH

Madagascar : Côte de L’Androy
Un mpisikily ( devin en dialecte Tandroy) par le jeu d’ossements jetés au sol, fait une prédiction…

1698 : Après plusieurs décennies de faste, le royaume de France connait un long déclin.

Saint Malo : Armand Gézitain issu du bas peuple mais élevé et éduqué brillamment dans une institution religieuse, se destine à une belle carrière de commis de l’état.
Mais les événements lui ordonnent de suivre son instinct et ses besoins de liberté.
Armand décide de fuir la vie de petit bourgeois que l’on a décidé et préparé pour lui.
Après un long voyage mouvementé, il se retrouve à Madagascar.
Tour à tour esclave, fuyard, capturé par Samuel – Un pirate mulâtre originaire des Antilles – sacrificateur, complice de l’épopée du Libertalia, ermite…
Ses aventures rocambolesques lui font traverser le pays et découvrir un monde qui remet en question tous ses acquis.
Il finit par épouser la princesse Rahena dans le nord-est de l’île et deviendra l’ascendant direct de la dynastie des Betsimisaraka, les « Nombreux inséparables ».

SYNOPSIS

Saint Malo -1723
Un vieil homme boiteux conte quelques aventures d’abordage et de piraterie à son petit fils qui l’écoute, le regard illuminé.
« Ce n’est pas à l’ampleur du combat qu’on mesure sa grandeur, mais à sa nature. Seule compte la capacité de l’homme à jouer de ses contradictions pour affirmer le combat qui lui paraît le plus juste. Quel qu’il soit. Et c’est à ce prix que l’homme gagne sa liberté. Voilà ce qui est grand ! »

Madagascar – Côte de l’Androy
Un mpisikily ( devin-sorcier ) pratique la géomancie en jettant des graines et des ossements sur une natte, en bord de plage.
Il fait une prédiction…

Royaume de France – 1698
Après avoir fait la démonstration de sa force trois décennies durant, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières, le royaume de France amorce un long déclin, à l’image de son roi, Louis XIV, qui fête ses soixante ans.
La récession économique qui s’établit n’est guère favorable à l’ambition d’Armand Gezitain, un jeune orphelin élevé brillamment dans une institution religieuse où le chanoine chargé de son éducation le destine à une carrière de commis de l’État et à un mariage arrangé.
Pire, Armand est un cagot qui s’ignore et l’époque cherche des boucs émissaires pour justifier l’indigence naissante : les portes se referment, des remarques le blessent, ses rêves se délitent. Armand prend alors conscience de la nature de sa
condition.
Bien qu’orgueilleux, le jeune homme ne s’estime pas de force à batailler contre des préjugés si profondément ancrés. Ses échecs mondains ont vite raison de l’humanisme et de l’idéal d’égalité qui lui ont été inculqués en cette aube du siècle des Lumières.

Sur les quais du port de Saint Malo, à la tombée du jour, Armand observe des marins qui chargent en vivres et en munitions une frégate de vingt canons de la Compagnie des Indes Orientales. Le long du bastingage, près de la dunette arrière il aperçoit la silouhette éblouissante d’une jeune princesse indigène protégée par deux guerriers bizarrement vétus et armés de sagais.

Le soir, à la sortie d’une taverne, passablement saôul, Armand, ainsi qu’un officier de marine accompagné de deux étranges guerriers, sont attaqués par une meute de chiens enragés.
En partie grâce à la réactivité d’Armand , ils parviennent à s’en sortir, même si l’officier est rudement blessé au mollet.
Pour le remercier, ce dernier lui offre de l’engager à son bord.
( On reconnait alors que l’officier, capitaine de frégate n’est autre que le vieil homme du début ).
Armand réalise qu’à défaut de servir une France qui récuse ses compétences, le reste du monde s’offre à ceux qui veulent le conquérir.
En prenant la mer sous une nouvelle identité, il aspire à devenir un homme libre : il sera désormais Tom White, marin sans expérience, aux rêves démesurés de terres inconnues.
Mais il saisit vite que les conditions de vie en mer sont loin de ressembler à celles qu’il imaginait. Il convient en premier lieu de survivre en conservant son intégrité et non de faire preuve d’une impétuosité singulière et éclatante.
Un beau jour, bravant le règlement, il approche la belle indigène qu’il avait entrevue avant de se faire engager. Il se fait surprendre et mettre aux fers en attendant sa peine : jeté par-dessus bord, à la merci des requins.
Mais un combat naval contre un vaisseau pirate et le décés du médecin du bord lui offre l’occasion de montrer ses connaissances en médecine et de sauver quelques vies, dont celle du Capitaine.
Ce dernier, bien que très affaiblit par une blessure, use de sa prérogative et fait montre de clémence : Tom est débarqué sur un esquif avec une faible quantité de vivres et ce sont les flots qui seront à même de sceller la destinée de Tom…
Après une longue dérive qui le laisse exsangue, Tom accoste sur Madagascar. Un devin tandroy le remet sur pieds mais le roitelet local se méfie de Tom et contraint le sorcier à le réduire en esclavage. Tom s’initie à la culture locale qui ébranle un peu plus chaque jour nombre de ses certitudes : à la science s’oppose la spiritualité, au cartésianisme de son éducation s’oppose la force des habitudes et de l’empirisme. Et les coutumes locales apparaissent bien barbares au jeune homme qu’il est.
Il pense sans cesse regagner la civilisation qu’il a quittée.

Fuyant sa terre d’accueil, il rejoint avec toutes les peines du monde le comptoir de Port Dauphin qu’il trouve déserté : les vazaha (blancs) l’ont quitté en laissant une ville insalubre et un paysage en ruine. Tom est capturé par Samuel, un pirate mulâtre des Antilles que les Antanosy prennent pour un prince kidnappé lors de leur fuite par les fondateurs du comptoir. Samuel espère faire alliance avec Tom pour rejoindre Nosy Boraha, un repaire de pirates. Mais ses hommes doutent de Tom et lui font subir une ordalie pour s’assurer de son honnêteté. Tom n’y résiste pas, et il est pratiquement mourant lorsque le devin accompagné de quelques guerriers, le secourent.

Sur le chemin du retour, et grâce au mpisikily, Tom prend conscience qu’il est peut-être le messie attendu pour instaurer un équilibre entre les ethnies avant que le pouvoir merina ne s’impose dans tout le pays.
C’est le début de son apprentissage et à l’aune de celui-ci, la société tandroy prend pour Tom les couleurs d’un Eldorado auquel il s’attache : les hommes y respectent leur patrimoine et, dans le respect des traditions, font passer le profit de la communauté avant le leur. Tom est devenu le sacrificateur du village et quand le devin lui propose de le représenter au grand fitampoha du Menabe, Tom y voit le signe de la reconnaissance après laquelle il court tant..

La cérémonie, qui conciste dans la purification des reliques et des os des grands rois sakalava, réunit de nombreuses dignités et plusieurs milliers de pèlerins. L’utilisation d’une chambre noire augmente son prestige de boucher vazaha. Déjà ravi de l’intérêt qu’on lui porte, Tom est honoré d’être désigné pour opérer le dernier sacrifice. S’ensuit une nuit festive : toutes les débauches sont admises.
Emporté par son nouveau statut, Tom accompli un sacrilège : Il est arrêté. Le devin lui concocte un mélange de plantes psychotropes qui lui donne le pouvoir de s’échapper.

Sur sa route, profitant que deux princes héritiers s’entre-déchirent, Tom libère un compagnon de fortune pour le mener, avec lui, à la République de Libertalia, cet éden libertaire au nord de la grande île, fondé par un pirate français et un prêtre défroqué italien.
Entre hallucinations et réalités, les deux hommes affrontent mille dangers, errant de manière fantomatique jusqu’à l’épuisement, ne se nourrissant presque exclusivement que de khat.
Ils parviennent enfin à la baie tant convoitée.
Tom vit alors un moment parfaitement intégré dans cette société égalitaire et fraternelle et entrevoit un instant un avenir heureux et paisible, bien qu’il aspire toujours à repartir enfin pour l’Europe. Mais aucun navire pirate ne fait escale dans cette baie, et avant que les tribus locales ne mettent brusquement fin à la communauté par un terrible massacre.

Tom réussi à fuir à travers les montagnes. Il gagne le désert où, désespéré, il projette de faire ermitage pour le reste de ses jours. Mais affaibli, isolé, il manque de mourir. Le chef d’une ethnie en voie d’extinction le recueille. Devant la bonté de ces gens simples, devant leur structure sociale incroyablement saine et égalitaire, devant la tendresse de la jeune fille de la maison, Rahena, Tom hésite à nouveau sur le cours de sa destinée. Il est encore poussé au départ : D’une part le frère de Rahena le poursuit de sa jalousie et de sa haine et d’autre part, il aperçoit un navire marchand qui mouille le long de la côte.

Quand il rejoint le grève, Tom est enchaîné comme esclave : les marins anglais n’imaginent pas avoir affaire à un occidental malgré son excellent français. Après quelques jours de marche, tous les esclaves sont offerts à la princesse du royaume de l’Emyrne venue négocier une entente durable : Le plein de riz, de lait, de miel, de banane et, surtout, d’esclaves en échange d’armes à feu, de la protection comme de la collaboration des puissances occidentales. Tom reconnaît la belle indigène avec laquelle il a navigué depuis Saint-Malo. Leur attirance est de nouveau immédiate, mais Tom confie vouloir repartir en France. La princesse merina lui propose d’être son émissaire auprès des plus grandes cours européennes. Le monde comme son cœur sont entre ses mains.

C’est donc en grande pompe que Tom rejoint le brick des Anglais, alors que la tempête menace violemment. En descendant en fond de cale, Tom réalise qu’il est sur un navire négrier. Le tableau lui fait horreur et quand il aperçoit parmi les prisonniers le frère de Rahena, il prend conscience qu’il a désormais le choix entre délivrer son ennemi ou quitter Madagascar à une place honorifique qu’il a convoitée toute sa vie. Tom voit dans la situation du frère de Rahena l’image de ses humiliations de jeune cagot en France et comme esclave chez les Tandroy. Il
veut agir en être libre et juste. Il décide de tous les libérer alors que l’ouragan fait rage.

Tom se mariera à Rahena avec qui il mènera une vie simple et heureuse. Ses descendants fonderont la dynastie des Betsimisaraka, les nombreux inséparables, qui veillera à l’équilibre inter-ethnique dans tout le pays et instaurera les valeurs essentielles à la réussite de la nation malgache.

FIGURES ÉVOCABLES

Figures possibles à évoquer (contemporains de notre histoire)

Marins de Saint-Malo

René DUGUAY-TROUIN (1673-1736) : corsaire de Saint-Malo, embarqué volontaire à 16 ans, devenu célèbre à la suite de la capture d’une flotte de plus de 60 navires anglais et surtout par la prise de Rio de Janeiro aux portugais en 1711. Il fut anobli en 1709,
devint chef d’escadre en 1715, puis lieutenant général de la flotte française en 1728.

Robert SURCOUF (1773-1827) : corsaire de Saint-Malo, embarqué volontaire à 14 ans. Devenu lieutenant, il se livre au commerce de l’esclavage dans l’Océan Indien, au mépris de l’abolition. Cet écart lui sera pardonné en raison de ses nombreux exploits navals, notamment contre les forces anglaises de 1795 à 1801, puis de 1807 à 1809.
Fils de Charles Ange Surcouf, cousin de Duguay-Trouin.
Son arrière grand père paternel Robert Surcouf de Maisonneuve ( 1671-1720) fût commandant du navire corsaire Le compte de Toulouse.

Écrivain sur Madagascar

Daniel DEFOE (1660-1731) : de toutes ses œuvres (plus de 451), on retient avant tout Robinson Crusoe (1719). Mais depuis peu, on lui prête, sous le pseudonyme Capitaine Charles Johnson, l’écriture de L’Histoire générale des plus fameux pirates (1724/1728) qui conte notamment l’aventure de Libertalia (Histoire du Capitaine Misson et de son équipage). On lui prête encore l’écriture du Journal du Robert Drury (1729), marin naufragé sur la grande île.

Armateur de bateau pirate

Frederick PHILLIPS (1626-1702) : fortuné marchand hollandais émigré à New York. A l’instar d’autres concitoyens du nouveau continent, il arme des bateaux pirates en vue de piller les vaisseaux commerciaux (essentiellement anglais) qui reviennent des Indes, afin d’écouler leur marchandise à New York et de réaliser de fabuleux bénéfices. Il est à l’origine du comptoir de l’île Sainte Marie (via son émissaire Adam Baldridge) en finançant des entrepôts, des maisons et des fortifications dotées d’une vingtaine de canons, qui feront du site la plaque tournante des pirates de la Mer Rouge et de l’Océan Indien jusqu’en 1700. L’Angleterre accentue sa répression et la piraterie cesse en 1702
avec la condamnation des derniers pirates et la fermeture des ports américains.

Marins abordant les côtes orientales

Nathaniel NORTH (16??-1712) : pirate anglais qui se sédentarise sur la côte orientale de Madagascar. Chassé par les Anglais de l’île Sainte Marie, il fonde Fenoarivo : village et cultures. Il devient un sage aux yeux des Malgaches, qui font régulièrement appel à lui pour juger de leurs différents. Toutefois, un groupe belligérant le tuera et le village de Fenoarivo sera rasé. Defoë raconte qu’il montera une grande expédition pour porter secours à des naufragés : il n’y aura qu’un seul rescapé.

Thomas WHITE (16??-1708) : pirate anglais qui s’échoue à Madagascar vers 1698, épouse la princesse Rahena. Leur union donne naissance à Ratsimilaho : le futur roi Ramaromanompo qui instaurera la dynastie des Betsimisaraka. Il s’éteint à Ambonavola.

Marins abordant les côtes septentrionales

MISSON (16??-1703) : marin provençal d’origine huguenote dont son compagnon Caraccioli dit : « C’est l’homme le plus doux dans ses manières qui eût jamais sabordé un navire ou tranché une gorge. » Misson prend le commandement de son navire, après l’attaque de celui-ci et la mort de ses supérieurs, en 1690 dans les Antilles. Il fait immédiatement promettre aux hommes de renoncer à la vie dissolue des marins de l’époque, d’être chastes, de ne pas piller, de ne pas pratiquer le commerce de l’esclavage au nom de la justice divine et de respecter la devise choisie : « Pour Dieu et pour la liberté ». Désormais ils sont pirates et pourchassent les navires anglais en direction des côtes africaines. Les ennemis sont bien traités, point de pillage ni de massacre, mais le prélèvement d’une partie de la cargaison qui assure leur chemin futur. Si jamais Misson et ses hommes s’emparent et conservent le navire abordé, l’équipage assailli a le choix de les rejoindre ou d’être débarqué sur la côte la plus proche.
En 1699, après avoir assuré la sécurité de la reine de l’île de Johanna (Anjouan aux Comores) contre ses voisins de Mohéli, celle-ci leur cède 300 hommes pour construire une nouvelle colonie dans la baie de Diego Suarez, qui présente 4 grandes anfractuosit à l’image symbolique d’un trèfle à 4 feuilles. Ce sera Libertalia, communauté libertaire composée d’une multitude de nationalités (on y invente une langue commune), dont le drapeau porte la devise « Générosité, Reconnaissance, Justice, Fidélité » et où les citoyens liberi sont traités en égaux (avec partage des butins et du bétail à part égale).
Un pirate anglais du nom de Tew se joint à eux avec ses hommes, qui revendiquent une influence. Un conseil de doléance et d’application des lois représente chacune des parties. Un gouvernement est formé sous l’autorité de Misson « son Excellence suprême le Conservateur », de Tew amiral de la flotte et de Caraccioli le secrétaire d’Etat. Des lois sont entérinées par un conseil d’élus et doivent être respectées sans contrainte.
Par ailleurs, les Liberi entretiennent de bonnes relations avec les clans malgaches, mais sans toutefois instaurer de véritable communauté d’intérêt entre les deux entités…
Jusqu’à ce jour de 1702 où les indigènes les attaquent et massacrent tous les fuyards, dont Caraccioli, qui ne pourront prendre la mer sur deux sloops. Misson mourra peut de temps après lors d’une tempête alors qu’il tentait de rentrer en France. Heureusement, il avait couché par écrit ses mémoires et les avait confiées à un marin du sloop de Tew. Le capitaine Johnson (Daniel Defoe) en prendra connaissance quelques années plus tard.

CARACCIOLI (16??-1702) : dominicain italien qui renonce à sa robe à la suite de sa rencontre avec Misson : il est d’abord son confesseur, avant de devenir son maître de libertinage, puis de s’embarquer pour les Antilles. Brillant orateur, il gagne l’équipage à ses idées humanistes, prônant l’égalité, la fraternité et la justice entre les hommes. Il est désigné comme second de Misson pour commander le navire pirate. A Anjouan, il épouse la fille du premier ministre tandis que Misson s’éprend de la sœur de la reine.

Thomas TEW (16??-1695) : pirate anglais, devenu amiral de la flotte de Libertalia. Il a survécu au naufrage qui a englouti le bateau de Misson. Il serait mort quelques années plus tard en 1695, emporté par un boulet de canon lors de la prise du navire du Grand Moghol (menée par le pirate John Henry Avery). Comme la république de Libertalia est située entre 1699 et 1702, il y a forcément une erreur de date !!!

Marins abordant les côtes du sud-est

Jacques PRONIS (1619-1655) : militaire français de La Rochelle, protestant qui arrive à Sainte Luce en 1642 et transfère l’établissement français dès l’année suivante à Tolagnaro (qui devient Port Dauphin puis Fort Dauphin). La Compagnie des Indes Orientales tout nouvellement créée par le cardinal Richelieu (en 1642) ne s’arrête jamais pour ravitailler ce poste avancé en Océan Indien. La colère monte. Des razzias informelles sont menées contre les villages malgaches des environs. Pour mettre fin à une mutinerie, Pronis envoie des hommes vers des contrées lointaines (chez les Mahafaly) et en exile 10 autres en 1646 sur l’île Mascarin (La Réunion), encore vierge et dont La Compagnie des Indes ne possède pour l’heure la concession que jusqu’en 1652 (Flacourt les retrouvera en excellente santé trois ans plus tard et nommera alors l’île « Bourbon »). Et pour retrouver un semblant de paix, Pronis épouse une parente du roi local Andrian Ramaka. Il est remplacé par Flacourt de 1648 à 1654. Puis il reprend le commandement du fort jusqu’à sa mort, un an plus tard.

Etienne Bizet de FLACOURT (1607-1660) : gouverneur de Fort-Dauphin de 1648 à 1654, période durant laquelle ses hommes ne seront (de nouveau pour certains !) pas ravitaillés. Il s’évertue à mettre fin, y compris par la force, aux conflits avec les clans alentours. En 1651, il rase Fanjahira, le village du roi Andrian Ramaka. Avant de quitter la grande île en 1655, Flacourt fait ériger une stèle de pierre sur laquelle il fait graver « Cave, o Advena ! » (« Prends garde, o nouveau venu ! »). Une fois en France, il présente un magnifique herbier et publie différents ouvrages : Catéchisme (premier livre écrit à la fois en latin et en malgache), Dictionnaire français-malgache (qui comprend plus de 3500 mots issus d’échanges oraux et des sorabe) et l’Histoire de la Grande Île de Madagascar (description des peuples, de la faune et la flore, des ressources naturelles – agrémentée de nombreuses cartes). Alors qu’il navigue pour rejoindre Madagascar, son bateau est abordé par des pirates au large du Portugal : il y trouve la mort.

LA CASE (environ 1628-1671) : de son vrai nom Le Vacher, ce Rochelais débarque au nord-ouest de Madagascar en 1656. Il s’enfuit dan la vallée d’Ambolo et épouse la fille d’un chef. Il aide la colonie de Fort-Dauphin à se ravitailler, repousse Dian Manana. Devenu allié des Antemoro après les avoir combattus, il devient un de leurs héros dont l’histoire est consignée dans les sorabe. La tradition orale des Antaisaka rappelle aussi ses campagnes. Installé à l’embouchure de la Matitana, il fait du commerce avec les Européens : miel, cire, bois, esclaves contre des fusils et des munitions. En 1666, il est envoyé chez les Bara pour y rafler des bœufs pour la colonie française de Fort-Dauphin qui achète le riz de ses concessions. Il encourage les Français à entamer des conquêtes, mais la Compagnie des Indes ne conservera que Sainte-Marie, Antongil et Bourbon.

C’est au tout début du 16ème siècle que le navigateur Diego Diaz atteint pour la première fois les côtes malgaches, dans l’extrême sud-est. A une quinzaine de kilométres au sud du futur Fort Dauphin, sur le lieu-dit l’îlot des Portugais, une cinquantaine d’hommes d’équipage, un prêtre, un scientifique et quelques officiers sont les tous premiers colons européens.
Leur fortin de pierre ( Tranovato en malgache) extrêmement bien conservé est reconnu comme la plus ancienne construction européenne du pays.
Après 22 ans de cohabitation, les Portugais furent massacrés et l’histoire dit que seuls deux d’entre eux en réchappèrent et parvinrent à rentrer au Portugal.

De même, à la suite d’une affaire d’adultère datant de Jacques Pronis, et dans laquelle deux malgaches avaient eu injustement la tête tranchée, l’ensemble des vazaha installés dans des villages épars de l’Anosy sont massacrés en 1674 par une coalition de guerrier Antanosy, emmenée Dian Panolahé, fils du roi Andrian Ramaka.

Abraham SAMUEL Ndriatolinoro : « le seigneur retour de bonheur » (16??-1706) : quartier-maître du navire pirate Johan et Rebeka, il en devient le capitaine après la mort de celui-ci, à l’arrivée à Sainte-Marie, en 1698. Par malheur, il reprend la mer, essuie une tempête et s’échoue aux environs de Fort-Dauphin (l’épave demeure visible durant quelques années). L’ancien comptoir a été totalement évacué en 1674 par les français, qui emmenèrent notamment le fils qu’eut l’un d’eux avec la fille du roi local (Andrian Ramaka ou l’un de ses fils ? Jacques Pronis, le premier administrateur du comptoir de Fort-Dauphin, se maria avec l’une de ses parentes…). Or, le susdit Samuel est un mulâtre de la Jamaïque et de la Martinique, parlant français et anglais, dont l’âge correspond à celui du fils disparu et qui paraît posséder sur le corps la même marque : un grain de beauté sous le mamelon gauche. Comme la fille du roi vit encore, on lui montre le mulâtre. Après l’avoir examiné, elle le reconnaît comme son fils et unique héritier du royaume. Profitant de l’aubaine et s’appuyant sur les grands du royaume, il
déclare la guerre à Dimarang Dimera, qui détient le pouvoir à ce moment et le défait.
Devenu roi, il conserve à ses côtés la trentaine de pirates naufragés avec lui et commande près de 12 000 guerriers. Il taxe les navires de passage de 100 £ et coopère plus ou moins activement à plusieurs prises de navires venus se ravitailler et acheter des esclaves. Après quelques années, il aurait chercher à quitter l’île pour reprendre la mer, mais serait mort avant, en 1706 : il n’aurait pas survécu à la goutte (il était transporté sur les épaules de ses hommes).

Robert DRURY (1686-17??) : marin anglais dont le bateau fait naufrage sur la côte méridionale de Madagascar en 1703. De tous les rescapés, il sera le seul à échapper à la mort en devenant esclave du roi tandroy Andriamahavariana, puis son boucher sacrificiel. Il manque de peu d’être racheté par le roi Samuël, un métisse des Antilles. Il s’échappe et fuit vers Saint Augustin pour … tomber entre les mains des Sakalava qui le réduiront de nouveau en esclavage jusqu’en 1717. Les dates de son journal (dont on attribue les exagérations à Defoe) et d’autres connues par ailleurs ne concordent pas du tout : il est plus vraisemblable qu’il ne fut « résident » sur la grande île que 5 ou 6 ans.

Groupes ethniques et leurs rois à l’origine

* VAZIMBA : « Ceux qui ont toujours été là ». Nom donné aux premiers habitants de Madagascar, considérés comme les descendants des premiers immigrants austronésiens. Ils furent contraints, au fil des siècles et des invasions, de se réfugier sur les hautes terres du centre de l’île où ils furent décimés ou absorbés par les merinas aux environs du XVlème siècle pense-t-on.
Ils vivaient dans une société sans classes et sans esclaves dans laquelle les hommes et les femmes étaient sur un pied d’égalité. Ils apparaissent dans l’histoire et les légendes malgaches comme étant les gardiens ancestraux du sol. Les Malgaches pensent que
certains d’entre eux hantent encore quelques rochers et sources. Aujourd’hui encore, il est fady d’enjamber leur tombe.

RAVOAHANGY : chef vazimba qui habitait un village au pied d’Anamalanga, dont il fut chassé en 1610 par le roi merina Andrianjaka, qui traça la nouvelle ville d’Antananarivo. Le quartier d’Andravoahangy rappelle son nom et marque l’emplacement de son village.

Groupes ethniques et leurs rois du sud-est

RAMANIA (X / Xllème siècle) : Arabe en provenance de La Mecque qui se serait échouésur la côte sud-est, près de Vohemar, puis qui serait allé plus au sud. Il est le héros dont se réclament tous les groupes islamisés, notamment de nombreux Antanosy qui prétendent être ses descendants en vertu des sorabe (manuscrits en langue malgache, mais écrits en caractères arabes, consignant les traditions et les procédés divinatoires) dont ils ont hérités : ce sont les Zafi-Ramania (comme Andrian Ramaka).

* ANTANDROY : « Ceux du pays des épineux » notamment en raison des épines et des cactus qui ceinturent leurs villages. Les hommes pratiquent l’élevage de transhumance des zébus tandis que les femmes cultivent, malgré le manque d’eau, le manioc, les patates et le maïs. Semi-nomades, ce sont actuellement les plus pauvres du pays. Ils fabriquent et vendent du charbon.
Ils croient au kokolampo mais n’ont pas peur des esprits nocturnes. Toutefois, ils portent souvent des bracelets en argent susceptibles de les protéger des esprits. Tous les 6 ou 7 ans est pratiquée la grande circoncision collective (savatse).

NDRIAN KIRINDO « le têtu » (16??-17??) : grand souverain zafimanara, dont le souvenir est encore vivant dans les traditions et contes tandroy. Ils lui attribuent notamment l’origine du fady concernant le sanglier : au cours de leurs querelles Kirindo et Andria-Kosintany (roi maroseranina) décidèrent de chasser ensemble pour aplanir leurs différents. Ils tuèrent e même temps le même sanglier, ce qui ranima leur haine. Lors de la rixe qui s’ensuit Andrian Kirindo, qui était plus vieux et moins fort, renonça à faire valoir ses droits. Pour sauver la face, il déclara que le sanglier était fady pour lui… Il en fut ainsi, à partir de ce moment là, pour tous les Zafimanara.
De nos jours, les Antandroy ont conservé l’interdit du porc, mais pas celui du sanglier.

* ANTANOSY : « Ceux de l’île ». Réputés pour leurs vertus guerrières, ce sont des descendants débarqués au Xllème siècle, dont ils ont conservé nombre de mots. Ils ont encore en leur possession des sorabe (dont les plus anciens, conservés dans des peaux de bœuf, remonteraient au XVlème siècle) : « Écriture grande » ; manuscrits en malgache, mais écrits en caractères arabes, qui contiennent les premières sources de l’histoire de Madagascar, ainsi que des éléments d’astrologie et de divination.

ADRIAN RAMAKA (1602-1651) : fils de l’Ampanjaka Tsiambahiny qui règne sur les Matakasy, dans l’Anosy, ce serait un descendant des Zafi-Raminia (son peuple conserve en effet des sorabe originaux). Ce prince de la province de Fanjahira (au nord de FortDauphin) est aussi appelé Dian Ramach. Il est embarqué de force à l’âge de 12 ans par les Jésuites portugais qui l’emmènent aux Indes pour en faire un chrétien capable d’évangéliser son peuple. A son retour en 1616, il rompt tout lien avec l’occident … Et ce jusqu’à la venue de Pronis en 1642 qu’il accueille en récitant du latin. Cependant les relations avec les Français empirent et Flacourt décide la destruction de sa capitale en 1651 où Ramaka trouve la mort avec l’un de ses fils.

Groupes ethniques et leurs rois de l’ouest, du nord et de l’est

* SAKALAVA : « Ceux des longues vallées ». L’étendue de leur territoire est si grande qu’elle a rendu vaine toute tentative d’unité. Ils fondent deux grands royaumes au XVllème siècle : Le Menabe au nord et le Boina au sud.

ANDRIAMANDISOARIVO (16??-17??) : fils cadet d’Andriandahitotsy (roi du Menabe et fondateur de la Royauté sakalava), il ne peut accéder au trône : aussi remonte-t-il vers le nord où il fonde le royaume du Boina, après des combats acharnés à Sambirano Ambongo (Ankarana). Avec le soutien de 2 navires américains appartenant à Frederick Phillips, il domine les Antaloatra islamisés (qui commercent avec les comptoirs arabes du Mozambique ou de Zanzibar), les façades maritimes et les îlots proches : en échange d’esclaves et du fruit de leurs razzias, 20 mercenaires apportent le concours et ce durant une rotation de navire (environ un an). En 1705, il installe sa capitale à
Modzangaîe (Mahajunga) qui signifie « terre de choix » et exclue les Merina de toute relation commerciale. Les Sakalava sont mobiles ; les nobles sont éleveurs et font cultiver le riz par leur dépendants (agriculteurs, chasseurs, cueilleurs). La légende rapporte qu’il accordait beaucoup d’importance aux prédictions de son devin : ainsi, sa femme accepta d’être enterrée vivante pour gagner le royaume des ancêtres.
Le portrait de ce roi nous est parvenu grâce à la description qu’en fit un négociant de Saint-Malo qui le rencontra en 1708, sans doute pour lui acheter des esclaves.

* ANTANKARANA : « Ceux des rochers ». À la fois descendants des Arabes et issus des Sakalava, ils pratiquent un islam métissé de culte des ancêtres et de chamanisme. De nombreux fady régissent le comportement entre hommes et femmes (une fille ne doit pas laver les vêtements de son frère …).

* BETSIMISARAKA : « Les nombreux inséparables ». Ils croient aux fantômes (angatra) et aux petits hommes sauvages des forêts qui entrent dans les maisons (kalanoros). De nombreux fady régissent leur vie : ainsi un jeune homme ne peut porter des chaussures durant la vie de son père. Leur musique et leur chant rappellent les rythmes polynésiens.

RAMAROMANOMPO (1691-1751) : fils d’une mère princière des environs de Foulpointe, Rahena, et d’un père pirate appelé Tom White. Après avoir soumis différents clans dont celui des Tsikoa de Fenoarivo, il donne au sien le nom des Betsimisaraka et installe sa capitale à Toamasina en 1711. Les vaincus prendront désormais le nom de Betanimena (« Ceux plein de terre rouge »). Il épouse la fille du roi Sakalava et, durant 40 ans, il va régner paisiblement (aidé d’une armée de 10 000 hommes raconte-t-on), commerçant avec les Européens (traite d’esclaves). A sa mort, son royaume s’étend de la baie d’Antongil jusqu’à l’embouchure de la Mangoro.

BETY (17??-17??) : elle est la fille de Ramaromanompo, duquel elle reçoit en héritage Nosy Boraha (Sainte-Marie), alors que son frère Zanahary, avec lequel elle se dispute, reçoit Foulpointe. Mariée au capitaine français Filet, dit « La Bigorgne », elle place son île sous la protection de la France.

Groupes ethniques et leurs rois des hauts plateaux

* MERINA : « Ceux qui habitent les hauteurs ». Appelés aussi Hova « Hommes libres » par les Betsileo et Ambaniandro « Ceux qui habitent le soleil » par les côtiers. Ce groupe d’origine indonésienne s’est appuyé sur de grands travaux d’aménagement foncier, notamment d’irrigation, et sur ses forces guerrières pour s’imposer dans tout le pays. Un système de caste régit ce groupe avec les nobles (andriana), les roturiers (hova) et les travailleurs (andevo).

ANDRIAMANELO (règne de 1537/40 à 1575/87) : fils d’un prince de l’est, c’est le père de Ralambo. Il déplace la capitale de Merimanjaka à Alasora et organise l’espace royal, dont il marque l’entrée par des aviavy (figuiers), qui deviennent symbole de la royauté. Il conquiert les terres voisines. La légende lui attribue la victoire sur les Vazimba, remportée grâce à des sagaies en fer ; les historiens concluent plutôt à l’utilisation d’arbalètes en bois. Il utilise toutefois le fer (en provenance des mines des environs de Mantasoa) pour fabriquer des bêches, haches, couteaux, ce qui constitue une révolution technique. Il intensifie l’agriculture, introduit en Imerina le rite de la circoncision,
édicte la règle de sacralité des jumeaux, considérés comme une grâce des ancêtres.

RALAMBO (règne de 1575 à 1615) : le premier roi à avoir l’idée d’unifier les petits royaumes merinas disséminés sur les hauts plateaux. Il appela son royaume Imerina Ambaniandro, c’est-à-dire « le pays élevé sous le soleil » et l’expliquait ainsi : « Je l’appelle Imerina parce que j’occupe tous les sommets. Il n’y a rien qui ne soit à moi dans tout ce qui est sous la lumière du jour. » Ambitieux et poétique, n’est-ce pas ? Il
institua alors divers rituels pour consolider l’unité du nouveau peuple, dont le sacrifice du coq rouge, les ablutions purificatrices, le nettoyage des tombeaux qui donna le famadihana, l’abattage des bœufs et la fête du bain royal qui célèbre le Nouvel An malgache à la pleine lune du mois d’alamahady (janvier).

ANDRIANJAKA (règne de 1610 à 1630) : fils du roi Ralambo et frère cadet d’Andriatompokoindrindra qui lui cédera son royaume d’Ambohimalaza, en contrepartie de quoi leurs descendants respectifs devront se marier entre eux. Devenu roi de l’Imerina, Andrianjaka transfert sa capitale à Analamanga qu’il renomme Antananarivo, après en avoir chassé les Vazimba. Il aurait possédé un des premiers canons (ainsi que 5 fusils) sans que l’on sache comment.

ANDRIAMASINAVALONA (règne de 1675 à 1710) : appelé Andrianjakanavalondralamboà l’origine, cet arrière-petit-fils d’Andriatompokoindrindra à la tête des Telofitopolo change de nom après avoir vaincu ses 3 frères (en relation avec les Sakalava, il a fait
venir des canons et des fusils). Il réaffirme Antananarivo comme capitale et installe le kianja (lieu de sanctification) à Andohalo. C’est lui qui achève définitivement l’organisation de l’espace royal (fasana fito miandalana). Ses descendants formeront une caste noble : il aura 12 femmes et notamment 4 fils, entre lesquels il partagera son royaume jusqu’à ce qu’Andrianampoinimerina les réunifie de nouveau.

34 pages de traitement de texte, à suivre…