Au bout de mon rêve

Il y a cette femme dans mes rêves.
Dieu qu’elle a du être belle.
Elle est là, seule, sur la grève,
Ou la mer meurt à ses pieds.
Silhouette presque irréelle
D’une déesse évincée,
Portant sur ses épaules,
La misère du monde entier.

De Sisyphe lui-même,
Son sors est plus cruel.
Des rives de son âme,
Au large de ses peines,
Un frêle esquif sans rame
Sans cesse la ramène
Vers un pays de larmes
Plus sombre que l’ébène.

Son regard me bouleverse ;
Il y a la vie, mais dans le vert,
De ses yeux, plus de lumière.
Dans une langue inconnue,
Qu’étrangement, je sais,
C’est à moi qu’elle adresse
Son funeste secret.

« Il me semble en cet instant
Voir le vide qui me précède
Et le néant qui m’attend.
Dans l’immense et le sans fin,
Ne vit-on que pour tout perdre,
Vieillir est sans lendemain.
C’est comme une eau froide qui monte,
Qui noie les rêves d’éternité.
Le temps souverain, fait ses comptes :
Hier n’est plus, demain n’est rien,
Vieillir n’a pas de passé,
vieillir est sans lendemain. »

Depuis leur monde qui s’achève,
Il y a l’enfant, il y a la femme,
Et puis la très vieille dame.
Il y a tout l’humanité,
Toutes les questions, les guerres, les drames,
Toute notre fragilité.
Et, tout au bout de mon rêve,
C’est moi qui tombe en larmes…
Et c’est moi qui en crève.

Par H de Guer