Sur le chemin

Ou sont passés nos idéaux, tous les rêves qu’on avait ?
Que sont devenus les héros qui devaient nous sauver ?

Petit garçon, sur le chemin de l’école, je poussais du pied un caillou en faisant des vœux insensés. Le jeu était simple : si j’amenais le caillou choisi, sans tricher, de la maison jusqu’à l’école, il m’arriverait ceci ou je deviendrai cela…
Pour moi, c’est ça l’image du bonheur.
Je faisais tourner à souhait, le monde, sur le bout de mon doigt.
A huit ans, je pensais comme un Texan évangéliste moyen, j’étais le centre des choses.
Le reste de la terre n’existait pas, ou plutôt, ne représentait que les décors du film dans lequel j’étais le héros.
C’était le temps de l’insouciance.
Le champ du possible, alors, était infini.
J’étais plus riche qu’Aladin et sa lampe magique.
J’étais moi-même le génie qui pouvait tout réaliser.
La question du bonheur ne se posait pas, ce ne serait jamais qu’une évidence, une formalité.

Mais ce temps ne dure pas et tu te rends vite compte que vivre, c’est voir ce champ du possible se réduire chaque jour.
Le plus effrayant étant que chacun autour de toi semble s’en accommoder.
Et si tes craintes s’estompent, ce n’est pas bon signe. C’est que tu ne crois plus en rien et que tu finis par accepter que tes rêves te quittent, un par un, le long du chemin.
Et ce serait finalement commun qu’une vie d’adulte se résume à osciller entre une dépression latente et un optimisme forcé ?
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Je n’ai qu’une seule richesse, ma vie, une seule certitude, ma mort.
Avec ça, je tente vaille que vaille de me frayer un passage, dans les méandres de la connerie humaine, en naviguant au plus près de mes idéaux et de mes rêves de gosse.
Je vois ça un peu comme une compétition de surf, tu vois ?
Tu dois d’abord choisir la plus belle vague de la série, la négocier au mieux, compte tenu du plaisir enivrant de la glisse, des autres concurrents, et de la peur de la chute. Bien conscient, dès le départ, que la vague est courte et qu’il n’y aura pas de seconde chance…

Il y aura des passages compliqués, des contradictions déchirantes.
Mais il faut surtout se rappeler qu’aucun choix essentiel ne doit être dicté par le désarroi et la peur.
Comme disait je ne sais plus qui : « Il faut plus de courage pour choisir que pour être choisi, plus de volonté pour parvenir à son propre univers, que pour devenir l’esclave de celui d’un autre ».

La liberté n’est pas le choix de la facilité. Aujourd’hui plus que jamais, elle suppose un mental, une attitude, une dose de folie, d’aimer la solitude et de ne pas craindre la mort.

Par H de Guer